Hommage à Mysraël de Henri Lasserre sur Youtube
Rémi Mogenet Ecrivain
et poète
La Mystique juive en couleurs sublimes
Myriam Israël-Meyer est peintre ; cela en fait
un auteur de tableaux : la couleur se manie comme les mots. Elle est bourguignonne d'adoption, et habite Coppet, dans le canton
de Vaud, et à la suite de Madame de Staël, mais elle travaille à Saint-Julien-en-Genevois. On pourrait
croire que le lien avec la Savoie est ténu, mais Myriam Israël-Meyer avoue ne pas saisir ceux qui rejettent
la culture du lieu et est prête à l'accueillir selon les circonstances. Ouverte sur le monde, quelles que soient
ses formes, elle a la chance d'avoir eu pour père un Résistant du Sud-Ouest de la France, et de faire de la
très belle peinture. Ses sujets de prédilection sont divers ; mais le nu et la mystique juive dite
hassidique dominent. Elle a exposé ses tableaux l'an passé au Salon du Livre de Genève. Son inspiration
hassidique est liée à un courant mystique juif qui s'est manifesté pour l'essentiel au XVIIIe siècle
dans les pays d'Europe centrale, au sein de la branche ashkénaze, de langue yiddish, qui est une variation communautaire
de l'allemand. Dans ces contrées romantiques, souvent de langue slave, allaient, de ville en ville, à la façon
des Tziganes, les musiciens-danseurs du klezmer ; pour eux, l'art permettait de communier avec la divinité, y compris
dans son expression la plus populaire, de nature quasi folklorique, et ils offraient leurs services pour embellir des mariages,
célébrer des naissances, accompagner les morts à leurs tombeaux. Des formes ressemblant à
des silhouettes semblent marcher sur les airs en jouant du violon ou en accomplissant des rituels parmi des couleurs qui s'enroulent,
souvent constellées d'éclats sacrés. La spirale qui emmène vers les hauteurs brillantes emporte
les danseurs dans son vent, un peu comme chez Chagall. Le bleu est parsemé de jaune,les vêtements des klezmorim
ont des teintes qui les font ressembler à des taches passant dans un monde de rêve. Parfois, même, les
poses naïves semblent comiques ; mais sous cet art apparemment simple et spontané, il faut voir la recherche
d'un enivrement mystique qui emporte vers les astres. Car les lignes dorées que créent d'énergiques
coups de pinceau peuvent être verticales, quand il s'agit de fils pieux menant leurs pères vieux et malades à
la prière, près d'un mur qui se perd dans le haut du cadre sans perspective aucune, semblant disparaître
dans un zénith infini. Est-on condamné à errer sur terre, sans accès à l'au-delà?
En réalité, c'est le feu intérieur qui s'éveille au contact de la frontière sainte, et
qui illumine les habits, les barbes, les fronts. Ici, l'initiation se fait par les seules voies de la psyché. La réflexion intellectuelle même éclaire les âmes depuis ses tréfonds. Les rondes, les
violons, les chants, les lectures pieuses semblent émaner d'un lieu obscur et dans le même temps plein de chaleur;
or, l'or les couvre, comme s'ils naissaient du mystère en conservaient la marque. Sous l'apparence des différentes
fonctions sacerdotales qui marquent la religion juive, se cachent des mages, des adeptes, des initiés ; leur vraie
nature apparaît grâce aux couleurs virevoltantes et aux formes fantomatiques que leur a données Myriam
Israël-Meyer. Sans doute, cela semblera spécialisé à celui qui n'est pas familier de cette tradition.
Mais, d'une part, quelle autre tradition peut s'en dire aujourd'hui détachée complètement ? D'autre part,
dessous vit une humanité profonde, à laquelle nul ne peut rester insensible, grâce au talent d'un peintre
magnifique.
Rémi Mogenet Ecrivain et Poète
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